
Separation mere enfant: la petite histoire de Jean-Noé
Cette histoire reflète bien les enjeux de la separation mere enfant, même si le protagoniste principal n’est pas la maman de l’enfant concerné…
Pour respecter leur anonymat, le prénom des protagonistes a été changé.
Voici une observation éducative que j’ai effectuée lorsque je travaillais en lieu d’accueil enfants-parents.
Jean-Noé, un petit garçon, vient avec 3 autres camarades de l’Institut Médico-Educatif et une éducatrice spécialisée tous les mardis matins, dans le cadre d’un partenariat mis en place avec le lieu d’accueil enfants-parents.
Deux accueillantes psychologues du lieu et moi-même, accompagnons cette visite hebdomadaire.
Depuis plusieurs semaines, l’éducatrice spécialisée qui accompagne les enfants dit qu’elle éprouve des difficultés avec eux depuis qu’elle est enceinte, que les enfants « sont différents, plus difficiles » avec elle depuis qu’elle leur a appris la nouvelle. Elle évoque avec l’équipe les problématiques de la separation mere enfant…
De manière récurrente, elle verbalise sa difficulté à faire son travail.
Il ne me paraît pas étonnant d’opérer ce constat.
Ce que j’entends par là, c’est que le fait qu’elle soit enceinte doit activer, pour les enfants ou bien pour elle, des sentiments confus d’attachement, de séparation : une grossesse est bouleversante à bien des égards : il est question d’une venue au monde, il est question de la vie.
Mais je détecte en plus de sa part un questionnement quant à son positionnement de professionnelle.
En effet, elle me dit qu’elle « ne sait plus comment faire », à plusieurs reprises. Elle parle de sa distance professionnelle, de la separation mere enfant.
Les enfants, donc, sont venus ce matin comme chaque mardi pendant environ 2 heures.
Au moment du départ, comme la plupart du temps depuis plusieurs semaines, Jean-Noé rechigne à mettre son manteau et ses chaussures.
Il est au sol et tend les bras vers son éducatrice.
Dès que celle-ci lui tend les mains pour l’aider à se relever, il se fait « tout mou » comme pour lui demander de le porter .
Elle lui dit « Non, je ne peux pas te porter » puis me dit une nouvelle fois que c’est plus difficile depuis qu’elle est enceinte.
Je me penche vers lui et dis à Jean-Noé que Virginie (l’éducatrice) a un petit bébé dans le ventre et que c’est effectivement un changement, mais que cela ne change rien au fait que pour l’instant elle est toujours disponible pour s’occuper de lui. Je rappelle, exactement comme pour une separation mere enfant « classique », des évidences. Des évidences qu’il est toujours bon de rappeler. Qu’on peut se revoir après s’être quitté.
Jean-Noé me tend les bras comme pour faire un câlin.
Je lui dis que j’ai bien l’impression qu’il a besoin d’un câlin, et que Virginie, tout comme moi, sommes disponibles pour les câlins s’il en éprouve le besoin.
Il se lève, Virginie se rapproche et il nous enlace toutes les 2.
Denis, un camarade de Jean-Noé se joint à nous et je dis en riant que nous faisons un câlin collectif. »
Cette histoire reflète au mieux, je trouve, tous les enjeux d’une separation mere enfant, même s’il s’agit d’une professionnelle. Notre distance est souvent questionnée. En l’occurrence, enceinte, cette professionnelle est aussi porteuse de symboliques fortes.
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